L’HEPATITE C à L’ILE de la REUNION :
Une pathologie importée dans trois quart des cas et des profils de patients différents selon leur origine géographique
Étude menée par :L.CUISSARD, H. THURIEAU, H. AUDIN-MAMLOUK, G.BELON, C. FRANCOIS, J.M. HINCKY, A. MILON
Lieu : CENTRE HOSPITALIER GABRIEL MARTIN, 97460 SAINT PAUL, LA RÉUNION
Conflits d’intéret : Aucun
RÉSUMÉ
Introduction
La population de la Réunion, ile française de l’ Océan Indien, est très diversifiée avec notamment : les natifs de l’ile (RUN), des personnes nées en France métropolitaine (MET) et d’autres nées dans les iles voisines de l’Océan indien, principalement Madagascar (MAD). Les données épidémiologiques sur l’hépatite C à la Réunion sont quasiment inexistantes. La séroprévalence est estimée à 0,14 % sur la base d‘un des seuls travaux disponibles publié en 1999(1).
But
Décrire la population de patients contaminés par le VHC (VHC+) dans le territoire Ouest de la Réunion
Matériel et Méthodes
Tous les dossiers des patients ayant une sérologie VHC positive pris en charge dans les cabinets ou services d’Hépato-gastro-entérologie du secteur avant 2010 ont été colligés et revus rétrospectivement.
Résultats
245 patients VHC+ ont été colligés, 130 Hommes (53,1%) pour 115 Femmes, d’âge moyen 51 ans. Le lieu de naissance est rapporté dans le tableau ci dessous (1 donnée manquante : n= 244). Les patients RUN et MAD étaient surtout des Femmes (67,2 % et 66,7%) au contraire des patients MET (67 % d’Hô).
Le mode de contamination prédominant était très différent selon ces groupes
Toxicomanie pour le groupe MET (66 ,7 % vs 3,3 % pour RUN et 3 % pour MAD), Transfusion pour le groupe RUN (49,2 % vs 19,4% pour MET et 33,3 % pour MAD) et « autre » (chirurgie, tatouage, piercing, acupuncture, soins dentaires, endoscopie, hémodialyse, contact familial, incarcération…) pour MAD (51,5 % vs 14,8 % pour RUN et 9,3 % pour MET) faisant évoquer une forte proportion de iatrogénie. Le lieu de contamination était le lieu de naissance dans 92 % (MET), 74,4 % (RUN) et 81,5 % (MAD) des cas.
MET | RUN | MAD | AUT | |
% dans pop. VHC+(n=244) | 52,9 % ( n= 129) | 25 % ( n=61) | 13,5 % (n=33) | 8,6 % (n= 21) |
% dans pop. Générale Réunion(2) | 10 % | 85 % | 2,3 % | 5,7 % |
Mode contamination principal | Toxicomanie ( 66,7%) | Transfusion(49,2 %) | Autre ( 51,5 %) |
Conclusion
La population VHC+ dans l’ouest de la Réunion est composée à 75 % de patients nés hors de la Réunion, contaminés le plus souvent avant leur arrivée. Ces données pourraient inciter à considérer avec plus de prudence le taux de séroprévalence généralement admis déterminé sur une population jeune essentiellement d’origine réunionnaise.
(1)A.MICHAULT et al , Bull Soc Pathol exot, 2000,93,1,34-40;
(2)INSEE, Economie de la Réunion N° 136
INTRODUCTION ET BUT DU TRAVAIL
Il existe très peu de données épidémiologiques sur l’hépatite C à l’Ile de la Réunion. Un des seuls travaux réalisés a étudié la séroprévalence, retrouvée à 0,14 % (1).La prise en charge quotidienne des patients met en évidence des profils de patients très variables. Leurs caractéristiques n’ont cependant jamais été décrites.
Le but de ce travail est de :
1. décrire les caractéristiques épidémiologiques des patients VHC + pris en charge dans le territoire Ouest de l’Ile de la Réunion jusqu’en 2010.
Contexte Géographique
L’île de la Réunion, dans la zone Sud Ouest de l’Océan Indien (OI) est à proximité de Madagascar (MAD), l’Ile Maurice, l’archipel des Comores.
A la Réunion trois territoires de santé « de niveau 1 » ont été définis par le SROS III. Le territoire ouest (22 % de la population de l’île en 2007)(schéma) est le siège de notre étude
Au sein du territoire Ouest, l’offre de soins en hépato-gastro-entérologie repose sur : Un service de médecine à orientation gastro entérologie au sein du Centre Hospitalier Gabriel Martin (CHGM) de Saint Paul et 2 gastro entérologues libéraux au Port et à Saint Paul, rattachés à une clinique privée au Port (CJA). On peut y rattacher une clinique d’ addictologie sur la commune de Saint PAUL.
Population
Au sein de la population réunionnaise on peut schématiquement observer :
La population native de l’Ile (RUN) d’origines très variées selon l’histoire du peuplement de l’Ile (africaine, métis, population blanche réunionnaise, population d’origine Indienne, Chinois originaires de Canton, Indo-musulmans …). Les natifs de la zone OI : Mayotte et les Comores, Madagascar (MAD) et enfin la population née en France métropolitaine (MET)
La population réunionnaise était de 833 000 habitants au dernier recensement de l’INSEE en 2009. La population du territoire Ouest est de 177 000 habitants.
MÉTHODE
Il s’agit d’une étude rétrospective concernant les patients vus en consultation spécialisée d’hépato-gastro-entérologie et/ou en hospitalisation dans le territoire Ouest de la Réunion avant le 31/12/2010 pour une hépatite C.
Le critère d’inclusion était la présence d’une sérologie positive pour l’hépatite C .
Les dossiers ont été retrouvés dans le service de médecine à orientation hépato-gastro-entérologie du CHGM et dans les deux cabinets d’hépato-gastroentérologie libérale du secteur. Dans un de ces cabinets , les cas d’hépatite C avaient été colligés de manière prospective.
Pour une meilleure exhaustivité du recueil ont également été utilisées : Interrogatoire du PMSI du CHGM et du centre d’addictologie, du laboratoire de biologie du CHGM et de celui rattaché à la CJA.
Pour chaque patient , un questionnaire a permis de recueillir :
- les caractéristiques socio-démographiques (sexe ,âge, lieu de naissance ),
- les circonstances présumées de la contamination.
- les modes de contamination
Nous avons recherché les facteurs de risque habituels de contamination :
1 ) Antécédents de transfusion avant 1992,
2 ) antécédents de toxicomanie intra-veineuse ou nasale même unique,
3 ) facteurs de risques nosocomiaux (chirurgie lourde, hémodialyse, endoscopies, antécédents de soins divers en pays de forte endémie et de niveau d’hygiène réputée insuffisante (injections intramusculaires , soins dentaires , circoncision dans des pays « à risque »..), acupuncture , mésothérapie, situations ou comportements à risque ( antécédents de tatouage, piercing, incarcération, contexte de transmission intra-familiale ou sexuelle possibles).
- La date et le lieu présumés de la contamination.
- La date de découverte de l’ hépatite C
- Le génotype du VHC.
Les questionnaires ont été complétés par l’étude du dossier médical et si besoin lorsque cela a été possible par l’interrogatoire du patient et/ou du médecin traitant et/ou des gastroentérologues en charge du patient. Les tests statistiques utilisés sont le test du Chi 2 et de Mann et Whitney avec seuil de significativité, p,fixé à 5%.
RÉSULTATS 1
245 dossiers de patients ayant une sérologie positive pour l’hépatite C ont pu être retrouvés
Lieu de naissance
Il a pu être retrouvé chez 244 patients sur 245 soit 99,6% :
- 129 patients sont nés en France Métropolitaine soit 52,9%. Ce groupe de patients sera désigné (MET)
- 102 patients sont nés dans la zone OI soit 41,8% répartis de la manière suivante :
- 61 patients nés à la Réunion (RUN) soit 25% du total.
- 33 patients nés à Madagascar (MAD) soit 13,5% du total.
- 5 patients nés aux Comores et 3 patients à l’île Maurice.
- Pour les 13 patients restants (5,3%), le lieu de naissance, extrêmement variable, ne sera pas détaillé.
MET (129) | RUN (61) | MAD (33) | AUT (21) | |
Population VHC+(n=244) | 52,9 % | 25 % | 13,5 % | 8,6 % |
Population globale de La Réunion(2) | 10 % | 82 % | 2,3 % | 5,7 % |
Sexe
Dans la population globale 130 hommes ( 53,1% ) et 115 femmes (46,9%), soit un sex-ratio H/F de 1,13.
Dans le groupe MET on retrouve 87 Hommes sur 129 (67,44%) soit un sex-ratio H/F de 2,07.
Chez les patients de la zone OI, on retrouve à l’inverse , une prédominance féminine :
- 41 femmes sur 61 dans le groupe RUN (67,2 %)
- 22 sur 33 dans le groupe MAD (66,6 %)
soit un sexe ratio Homme/femme de 0,5 dans ces 2 groupes
RÉSULTATS 2
Age
L’âge moyen des patients est de 51,2 +/- 11,5 ans sans différence significative entre les H ( 51 +/- 10) et les F (51 +/-13). Les patients RUN sont plus âgés (55,1 +/- 15) que les patients MET (49,5 +/- 9,5) et MAD ( 49,5 +/- 15)(p=0,04). 113 des 129 patients MET ont entre 40 et 59 ans (87,6 %) sans différence significative entre les H et les F. En 1999, date de l’étude (1), 86 % de nos patients VHC avaient + de 30 ans alors que dans la population de femmes enceintes réunionnaises 75 % sont âgées de moins de 30 ans.
Année du diagnostic
L’année du diagnostic de l’infection par le VHC a pu être retrouvée chez 238 patients sur 245 soit 97,1%.
Le diagnostic a été fait :
- Dans 99 cas / 238 (41,6 %) avant le 31/12/1999.
- Dans 88 cas (37 %) entre le 01/01/2000 et le 31/12/2005.
- Dans 51 cas / 238 (21,4%) après le 1er Janvier 2006.
Figure 5 :Nombre de patients en fonction de la période du diagnostic.
Génotype
Il a pu être retrouvé chez 172 patients / 245. Le génotype I est prédominant dans les 3 groupes ( respectivement 44,5 %, 48,9 % et 65 % pour MET, RUN et MAD).
La différence principale réside dans la distribution des génotypes 2 ( 3,3 % pour MET vs 37,8% et 30 % pour RUN et MAD) et 3 (41,1 % pour MET vs 8,9 % et 0 % pour RUN et MAD) (p<0,0001 pour MET vs RUN et MAD, p=0,48 NS pour RUN vs MAD))
RÉSULTATS 3 :Contamination
Mode de Contamination
Aucun facteur de risque n’a été retrouvé chez 41 patients soit 16,7 % de cas avec contamination indéterminée (11,6 %, 32,8 % et 15,2 % pour les groupes MET,RUN et MAD).
Un antécédent de toxicomanie est retrouvé chez 98/245 patients ( 40 %), de transfusion dans 72/245 cas (29,4 %), avec des différences très significatives entre les 3 groupes (p<0,0001)(tableau).
Lieu de contamination
Il a pu être déterminé dans 183 cas. Dans 92 % des cas pour MET, 74,4 % pour RUN et 81,5 % pour MAD le lieu de contamination était le lieu de naissance.
Année de contamination
153 des 175 patients (87 %) pour lesquels la date de contamination a pu être retrouvée se sont contaminés avant 1990. On ne retrouve que 22 patients / 175 contaminés après 1991 ( 12,6 %) et 1 seul ( 0,6 %) contaminé après 2001.
Période de la contamination (nb de patients)(n=175)
CONCLUSION
¾ des cas d’hépatite C pris en charge dans notre région avant 2010 sont des cas importés. Parmi eux plus de 50 % ont été observés chez des patients nés en France métropolitaine
De ce fait, les antécédents de toxicomanie sont la première cause (40 %) des cas d’hépatite C observés dans notre étude ce qui est paradoxal dans une ile ou la toxicomanie, qu’elle soit IV ou nasale, reste quasiment absente.