L’HEPATITE B à L’ILE de la REUNION :
Des spécificités épidémiologiques à connaître
Étude menée par :C. FRANCOIS, M. LEMIERE, H. AUDIN-MAMLOUK, G. BELON, C. ROUSSIN, A. MILON, L. CUISSARD,
Lieu : CENTRE HOSPITALIER GABRIEL MARTIN, 97460 SAINT PAUL, LA RÉUNION
Conflits d’intéret : Aucun
RÉSUMÉ
Introduction
il n’existe pratiquement pas de données sur le profil épidémiologique des porteurs de l’hépatite B à l’Ile de la Réunion, en dehors d’études anciennes de séroprévalence rapportant un chiffre proche de la France métropolitaine (0,7%.). Il n’existait pas de centre réunionnais dans l’étude sur les patientsAgHBspris en charge dans les pôles de référence, publiée en 2010(*).
But du travail
Décrire les patients porteurs chroniques de l’AgHBs(AgHBs+) dans le territoire Ouest de la Réunion. Comparer ces résultats à ceux des pôles de référence.
Matériel et Méthodes
Tous les patientsAgHBs+ vus à la principale consultation d’hépatologie du secteur entre Janvier 2009 et Décembre 2012, ont été inclus prospectivement, permettant un recueil exhaustif des données suivantes : sexe, âge, lieu de naissance, mode de contamination, existence d’une histoire familiale d’hépatite, circonstances de découverte, statutHBe.
Résultats
173 patients ont été inclus : 98 femmes (56.6%) pour 75 hommes. L’âge moyen des hommes était de 44.3 ans [41.2 ; 47.5], significativement plus élevé (p=0.01, test de Student) que celui des femmes à 37.7 ans [35.2 ; 40.1]. Le lieu de naissance était la Réunion (49%), la zone océan Indien (OI) (=Mayotte, Comores, Madagascar, Maurice) (33%), la France métropolitaine (9%) alors que les natifs de ces régions représentaient respectivement 85%, 4% et 9% de la population réunionnaise globale en 2006. Ainsi environ 4 patients sur 10 étaient natifs de pays de moyenne ou forte endémie (ZOI 33% + autres pays 9%) alors que ces patients représentent 8 cas sur 10 en Métropole. La circonstance de découverte de l’AgHBs, différente entre les Hô et les Fê (p<10-3, Fisher’s exact test) était une découverte fortuite chez 54% des patients (67 % chez les femmes dont 48 % liée au dépistage de la grossesse vs 37 % chez les Hô), un dépistage sur présence de facteurs de risque (28 %) ou pour démarche diagnostique (17%) (31 % pour les Hô vs 6 % pour les Fê). Il existait une histoire familiale de VHB chez 46.8% des patients, encore plus fréquemment chez les natifs de la RUN (51,7 %) que chez les natifs de la ZOI (38,9%). Une consommation quotidienne d’alcool était notée chez 18.5% des patients (n=32 dont 84% d’Hô), le plus souvent modérée et « à risque » selon les critères OMS chez 3 femmes et 3 hommes. 4 patients étaient diabétiques (2,3%). L’IMC a pu être calculé chez 140 patients et était de 25 kg/m2 [24.2 ; 25.8]. 45.7% des patients avaient un excès de poids. Le résultat des sérologies VIH (aucune positivité) et VHC (2 patients positifs) a été retrouvé respectivement pour 90 et 122 patients. 84% de nos patients étaient Ag HBe négatifs.
Conclusion
1) Il existe une prédominance féminine inhabituelle chez les patients AgHBs+ à la Réunion.
2) 1/3 des cas sont observés chez des natifs de la zone OI (Mayotte, Comores, Madagascar). Il faut sensibiliser les médecins au dépistage chez ces patients. 3) Les cas observés chez les natifs de la Réunion sont prédominants (environ 50 %)
3) Une histoire familiale d’hépatite est retrouvée 1 fois/2, en particulier chez les natifs de l’Ile (51,7%), en faveur d’un rôle important des contaminations verticales , néo ou péri natales ce qui est relativement inhabituel pour une zone de faible endémie. Il faut insister auprès des médecins sur la recherche de ces cas familiaux
INTRODUCTION
Il n’existe pas de données épidémiologiques décrivant les porteurs de l’AgHBs à la Réunion, île française de la zone Océan Indien (ZOI) située à proximité de Madagascar (MAD), des Comores (COM), de Mayotte et de l’île Maurice. Le but de notre travail était de le faire chez les patients du territoire Ouest de la Réunion.
POPULATION ET MÉTHODES
Etude descriptive, observationnelle et monocentrique.
Tous les patients porteurs de l’AgHBs, vus à la principale consultation d’hépato-gastro-entérologie du secteur (Territoire ouest de la Réunion, SROS) de janvier 2009 à décembre 2012, ont été inclus prospectivement.
Pour chaque patient ont été recueillis :
- sexe, âge, lieu de naissance
- histoire familiale d’hépatite B : nous avons interrogé nos patients sur la présence de porteurs du VHB dans leur entourage familial, déjà connus au moment de la primo-découverte de leur propre maladie, définis « cas antérieurs » (ANT) ou retrouvés secondairement (suite au dépistage familial proposé à nos patients) et définis comme « cas ultérieurs » (ULT)
- présence de co-morbidités (consommation d’alcool, diabète, co-infections VIH et VHC et surcharge pondérale (IMC)).
- circonstances de découverte réparties en 4 groupes (conformément à la littérature)
- Fortuit : bilan systématique (grossesse, FIV, préopératoire, prêt bancaire), bilan pré-transfusionnel, don du sang,
- Facteurs de risques (FDR) : patients nés ou ayant séjourné dans un pays d’endémicité forte ou intermédiaire, bilan d’IST, usagers de drogues, hémodialysés, transfusés, cas familiaux,
- Démarche diagnostique (DDiag.) : signes cliniques, augmentation des transaminases, cirrhose, CHC
- Autres : autres circonstances.
- Données relatives à l’hépatite : statut Ag/Ac Hbe.
RÉSULTATS
Notre étude (effectif total N = 173 patients)-(100%) | Centre de référence BEH 2010-2011 (*) | |
Sexe |
Hommes 75/173 (43,4%) Femmes 98/173 (56,6%) Sex ratio H/F : 0,77 |
Hommes 63% Femmes 37 % Sex ratio H/F 1,7 |
Age moyen |
Global : 40,5 ans Hommes : 44,3ans (41.2-47.5) Femmes : 37,7 ans(35.2-40.1) |
Hommes 36 ans (29-46) Femmes 31 ans (26-45) |
Endémicité du lieu de naissance |
Faible : 101/173 (58%) Moyenne : 24/173 (14%) Forte : 48/173 (28%) |
Faible : 17% Moyenne : 26% Forte : 57 % |
Histoire familiale |
81/173 patients (46,8%)dont Cas ANT : 54/173 (31,2%) Cas ULT : 36/173 (20,8%) Cas ANT et ULT : 9/173 (5,2 %) |
|
Circonstance de découverte |
Fortuite : 94/173 (54%) FDR : 48/173 (28%) DDiag. : 29/173 (17%) Autres : 2/173 (1%) |
Fortuite : 61 % F. De Risque : 21 % DDiag : 15 % Autre : 3% |
Statut HBe | Ag HBe – : 134/160 (84%) Ag HBe + : 26/160 ( 16 %) |
Ag HBe – : 89 % Ag HBe + : 11 % |
Comorbidités |
OH excessif (OMS) : 6/173 (3,5 %) Diabète : 4/173 (2%) Séro VIH + : 0/90 (**) Séro VHC + : 2/122 (1,6 %) IMC > 25 : /173 ( 45,7 %) |
OH excessif : 7 à 13% |
(*) : LARSEN et coll, BEHWeb n°1, 17/5/10 et RAHIB et coll, BEHWeb n°1, 25/5/2011
(**) : pas de centre de prise en charge de patients VIH dans notre secteur
COMMENTAIRES
Prédominance féminine :
Différente des données de la littérature et des centres de référence en métropole. Hypothèses : diagnostic insuffisant de l’hépatite B à la Réunion, de façon générale partiellement corrigé chez les femmes par le dépistage obligatoire de l’AgHBs pendant la grossesse (48% de nos patientes dépistées à cette occasion), d’autant plus que la fécondité à la Réunion reste supérieure à celle de la France métropolitaine (2.38 vs 2.01) et que le dépistage y est bien fait. De plus, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à la Réunion et particulièrement dans la population immigrée : six immigrées sur dix sont des femmes (**). Nous retrouvons exactement cette proportion dans notre population.
Lieu de naissance de nos patients/population générale :
Lieu de naissance | RUN | MET | ZOI | Autre |
% dans notre cohorte (n=173) | 49% (n= 85) | 9% (n=16) | 34% (n=59) | 8% (n=13) |
% dans population réunionnaise globale (**) | 85 % | 10 % | 4% | 1% |
ZOI : Madagascar, Mayotte, Comores
(**) : Insee, La Réunion, Mai 2010, 136, 12-19
Circonstances de découverte différentes selon le sexe :
Fortuite : 67% pour les femmes (dont 48% dépistage de la grossesse) vs 37% pour les hommes (p=0,01).
DDiag : 6% femmes vs 31% hommes (p=0,01).
FDR : 26% femmes vs 31% hommes.
CONCLUSION
1) Il existe une prédominance féminine inhabituelle chez les porteurs chroniques de l’AgHBsdans l’Ouest de la Réunion
2) 1/3 des cas sont observés chez des natifs de la zone OI (Mayotte, Comores, Madagascar) qui ne représentent que 4% de la population générale. Il faut sensibiliser les médecins au dépistage chez ces patients.
3) Les cas observés chez les natifs de la Réunion sont prédominants (environ 50%)
4) Une histoire familiale d’hépatite est retrouvée 1 fois sur 2, en particulier chez les natifs de l’Ile (51,7%), en faveur d’un rôle important des contaminations verticales, néo ou péri natales ce qui est relativement inhabituel pour une zone de faible endémie. Il faut insister auprès des médecins sur la recherche de ces cas familiaux.